lundi 3 décembre 2012

Le sapin, bois dont on fait les parquets, les cercueils et les ministres...

Autant vous le dire tout de suite monsieur le ministre, je n'ai rien contre vous. A vrai dire, votre air bonhomme et avenant vous rend même sympathique, du moins à mes yeux.
En fait, je ne vous connais pas vraiment, vous êtes ministre du travail, du chômage, ou un truc dans le genre si j'ai bien compris ?
En tout cas, je vous connais sans doute plus que vous ne me connaissez.
Qui je suis ? Personne, ou du moins, personne d'important, personne qui  ne soit capable de mettre des centaines de milliers de français dans la rue, de bloquer le pays, d'inverser le cours d'une élection...
Aucune capacité de nuisance.
Personne peut être pas, mais pas grand chose, certainement.
Pourtant, les insignifiants comme moi sont plusieurs centaines de milliers en France.
Les artisans...
Vous avez décidé d'augmenter la TVA de 7 à 10% dans le bâtiment, et d'offrir en compensation un crédit d'impôt calculé sur la masse salariale, ce qui permettra d'abaisser le coût du travail d'environ 6%.
C'est une trés bonne idée.
Le seul problème, en ce qui me concerne, et je ne suis pas le seul dans ce cas, est que je n'ai pas de salarié(s).
Je ne bénéficierai donc pas de cet allegement du coût du travail, alors que mes concurrents employeurs, oui.
Concrètement, qu'est ce que cela signifie ?
Ca veut dire que je serai moins compétitif que les entreprises ayant recours à de la main d'oeuvre salariée, à moins de réduire mes marges, donc de gagner moins.
Monsieur le ministre, au nom de quoi mon emploi, mon travail, que j'ai créé aurait- il moins de valeur qu'un emploi salarié ?
Ne mérite-t-il pas d'etre, lui aussi, protégé ou aidé ?
Au même titre que les autres emplois, ni plus, ni moins ?
Pourquoi faites- vous donc une distinction de statut entre un emploi salarié, et un emploi "indépendant" ?
Où se trouve donc l'équité républicaine qui vous est, j'en suis certain, si chère ?
Ne vous suffit- il pas que nous ne puissions plus répondre aux appels d'offres en France car non compétitifs face aux entreprises polonaises ou espagnoles ?
Appels d'offres financés par nos impôts, mes impôts...
Ne vous suffit- il donc pas de nous imposer la concurrence déloyale des auto-entrepreneurs, qui payent entre 11 et 25% de charges quand nous en payons environ 47% ?
Ne vous suffit- il donc pas que nous payions plus d'impôt sur le revenu (en pourcentage du revenu réél) que madame Bettencourt, ou de charges sociales (en pourcentage toujours) que les grands groupes de distribution (merci aux exonérations de charges diverses et variées) ?
Je ne réclame pas de payer moins que le autres, je pense qu'une société civilisée se doit de financer ses services publics et la protection des plus faibles, je réclame l'égalité devant l'impôt, l'égalité devant les contributions sociales, la garantie que la puissance publique veillera au bon respect des règles de concurrence, et qu'elle n'en n'encouragera pas les distorsions...
Vous voyez monsieur le ministre, je suis parqueteur, je me fournis chez des fabriquants français, et je suis pénalisé.
Parce que je n'ai pas d'employé(s)...
A coté de ça, les grandes surfaces de bricolage se fournissent par containers entiers en Chine ou ailleurs, et elle sont récompensées, elles bénéficieront du crédit d'impôt.
J'ai souvent dit sur le ton de l'humour qu'en tant qu'artisan, pour le fisc, je suis potentiellement un fraudeur, pour mon banquier, un risque, et pour mes beaux parents soixante huitards repentis ayant fort bien vendu leurs idéaux, un raté...
Aujourd'hui, monsieur le ministre, je le dis, mais je n'ai plus envie de rire...

Alexandre Azzi  Parqueteur.

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